Ce qui changera quand nous serons élus

Qu’on se le dise : nous sommes fiers de notre université ! Personne ne peut nier qu’elle tient son rang aux niveaux national et international, qu’elle attire de bons étudiants et étudiantes du monde entier, que sa recherche est reconnue dans de nombreux domaines. En un mot : qu’elle a su se faire un nom.

Pour autant, ces succès ne doivent pas cacher une autre réalité, celle que vivent au quotidien nos quelque 6 000 personnels, toutes catégories confondues, et nos 57 000 étudiantes et étudiants : une fragilité de l’emploi avec une difficulté à garder nos collaborateurs, des niveaux de rémunération trop bas, une incertitude financière grandissante, une précarité étudiante chaque année accrue, des sollicitations toujours plus nombreuses dans un temps contraint. Ce ne sont pas des poncifs ; c’est hélas la réalité. Certains de ces problèmes sont structurels ou conjoncturels, d’autres attendent des réponses de notre part.

Les dernières évaluations externes n’ont pas manqué de pointer nos faiblesses. Pour le Haut Conseil à l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur (HCERES), notre gouvernance n’est pas assez efficiente, notre stratégie ne se projette pas assez dans l’avenir, les inégalités des conditions d’étude entre les différents sites ou composantes se creusent, et notre politique internationale demeure trop floue. Plusieurs de ces points sont même devenus les marronniers de nos rapports d’évaluation, qui rappellent d’année en année nos faiblesses sur la gouvernance ou l’international. Peut-être l’analyse des évaluateurs méconnaît-elle certaines réalités du terrain. Peut-être leurs préconisations ne sont-elles pas toujours pertinentes. Il n’en reste pas moins que ces points faibles résonnent avec une réalité vécue.

Pourquoi vouloir changer

Alors que faire ? On peut décider de continuer comme si de rien n’était, penser que notre manière de fonctionner est la bonne, que nous avons toujours tenu bon, et que cela continuera bien ainsi. D’aucuns appellent cela, d’un curieux oxymore, le renouveau dans la continuité, ou bien rappellent prudemment l’ « importance de savoir comment avancer ensemble ». Mais vers où ? Le cap 2030 a été fixé. À la fin du prochain mandat (2025-2029), il sera déjà obsolète. Il est donc grand temps d’engager collectivement une nouvelle étape et de définir une stratégie qui soit plus que la banale addition d’une université « ouverte », « internationale », « agile » et « créative ». Quelle université, du reste, ne se revendiquerait pas de ces quatre épithètes ?

Le changement a pourtant été annoncé dès 2021. Les listes « Faire ensemble l’université » (FEU), soutenant M. Deneken, ont revendiqué de faire évoluer la gouvernance, de redonner plus de poids aux composantes et d’améliorer les conditions de vie au travail. Quatre ans plus tard, le constat est que (presque) rien n’a changé. La raison, à mon sens, est double : l’absence d’une conviction forte soutenant l’action collective et une inertie liée, pour beaucoup, à la continuité des personnes.

Les listes que je conduis assument de porter un projet novateur, porté par des convictions fortes, et de faire venir de nouveaux visages. Elles donnent un sens fort à ce projet par le nom qu’elles se sont choisi : Au Pluriel.

En 2009, notre université était unique. Demain, elle sera plurielle.

Certains se souviennent sûrement des affiches qui avaient fleuri en ville en 2009, au lendemain de la fusion : « Elle est unique ». Et oui, elle l’était ! Dans les deux sens du terme : première université fusionnée et grande université internationale. Ce caractère « unique », nous tenons bien sûr à le préserver. Il n’est point question de remettre en question la fusion. Elle a été notre plus grand atout. Mais aujourd’hui, la fusion est derrière nous. Il faut penser l’avenir et assumer que ce qui fera notre force demain, c’est notre pluralité, c’est-à-dire l’hétérogénéité de nos composantes, la diversité de notre communauté, le croisement des regards.

Changer pour revenir à de nouvelles formes de proximité

Je suis convaincu que, dans un monde qui se fragmente et qui remet la globalisation en question, dans un monde où s’exprime une volonté commune de retrouver du sens et de la proximité à nos vies (sans tomber dans l’entre-soi), nous devons initier un mouvement de retour au terrain. Il est déjà visible dans les politiques territoriales qui cherchent à s’appuyer plus fortement sur les synergies des acteurs locaux et dans la manière dont les jeunes générations repensent leurs mobilités et leur rapport à l’autre. Seules les politiques étatiques de la France ont connu, depuis 2017, un fort mouvement inverse de centralisation et de verticalisation. Cela n’est pas une fatalité. Car nous avons les moyens de compenser en partie cette tendance et de redonner des moyens d’action à nos composantes, à nos unités, à nos personnels et à nos étudiants.

L’organisation interne de notre université est, selon moi, la principale clé du problème. Ce n’est pas pour rien que la question a toujours été relevée par le HCERES. J’ai toujours entendu dire notre équipe de présidence dire que le modèle strasbourgeois est « facultaire et fédéral » parce qu’il s’appuie sur 35 composantes. Or ce n’est pas le nombre d’entités qui fait la décentralisation ; ce sont les compétences que l’on délègue et les moyens que l’on donne. Force est de constater que notre modèle s’est fortement centralisé depuis 2009. C’était un mouvement nécessaire que la clairvoyance d’Alain Beretz et la détermination de Michel Deneken ont initié et consolidé.

Quinze ans après, ce modèle centralisé est-il toujours pertinent ? Et surtout est-il efficient ? Celles et ceux qui assument au quotidien les missions fondamentales de notre université sont dans les composantes et les unités. Ils connaissent le mieux les problèmes et la manière de les résoudre. Pourquoi ne pas les écouter et leur donner les moyens d’agir ? Au contraire, notre conférence des directeurs des composantes, au lieu d’être un espace où remonteraient problèmes et solutions, est devenue une séance d’information avec diaporama consolidé des derniers potins ministériels et des décisions à appliquer. Déjà en 2021, les listes FEU proposaient une plus grande implication des doyens dans l’élaboration des décisions. Il n’en fut rien. Mais là encore, rien n’est gravé dans le marbre : des moyens existent pour faire évoluer la gouvernance, pour associer le terrain, pour rendre la prise de décision plus transparente et pour donner à tous les conseils, centraux, de composantes et d’unités, des leviers de décision. En termes techniques, on appelle cela de la subsidiarité. J’appelle cela plus simplement de la confiance.

Changer pour remettre la démocratie au cœur de l’université

« Au Pluriel » signifie aussi qu’au sein de nos propres instances, nous acceptons la contradiction, la divergence d’avis et la diversité des convictions. Vouloir « aligner » 60 000 personnes relève d’une utopie politique dépassée. Accepter nos différences est la seule manière de sortir d’une opposition trop binaire entre ceux qui dirigent et ceux qui subissent et contestent. Cela n’a rien de productif et n’est voué qu’à toujours plus diviser notre communauté. Faire vivre le débat dans nos instances, accepter de se remettre en cause, trouver la meilleure solution commune sans tomber dans le consensus mou : telle sera notre méthode, incarnée par de nouveaux visages.

Changer et refuser toute forme de discrimination

La rencontre, parfois même la confrontation des cultures, fait consubstantiellement partie de l’histoire de notre ville et de notre université. Avec 12 000 étudiants internationaux (dont 8 500 hors UE), sans compter la diversité culturelle au sein de nos personnels, l’Université de Strasbourg fait honneur à cette tradition. Cela est sa force et nous ne laisserons personne la bafouer. Avoir introduit dès cette rentrée les droits différenciés pour les internationaux extérieurs à l’UE1, alors que nous n’avions pas encore dépassé le taux limite des exonérations, est un excès de zèle, pour ne pas dire une faute morale qui va à l’encontre de ce que nous sommes. Les listes Au Pluriel refusent de discriminer un étudiant ou une étudiante sur la base de son pays d’origine. Il y a des moyens de rester dans le cadre du droit sans déroger à nos valeurs. Ayons l’intelligence de les penser ensemble ! De la même manière, les évolutions sociétales sur l’identité de genre n’ont pas été suffisamment prises en compte, tant en termes de prévention que d’action. Nos jeunes y sont très sensibles, et nous avons un devoir d’exemplarité dans ce domaine. Nous devons même aller plus loin : la reconnaissance de la liberté de chaque individu à être reconnu et respecté pour ce qu’il ou elle est.

« Mieux vivre ensemble notre université »

Telle est la devise de nos listes. Cela implique une plus grande solidarité à tous les niveaux. Elle passe bien sûr par la répartition de nos moyens humains et financiers, qui fera l’objet d’articles détaillés sur ce blog. Une chose est certaine : on ne peut imaginer une gouvernance fondée sur une pluralité d’acteurs sans une solidarité entre eux, ni sans une forme d’équité qui fera sortir notre université du système à deux vitesses (périmètre des crédits d’excellence et des appels fléchés d’un côté, fonctionnement général de l’autre) dans lequel elle s’est, parfois contre son gré, enferrée. La solution la plus adéquate n’est pas dans la répartition égalitaire, mais dans une approche sectorisée, par domaine disciplinaire, qui, partant de l’analyse des besoins et du fonctionnement spécifique des différents écosystèmes, trouve à positionner justement le curseur. Nous sommes toutes et tous membres d’une même communauté : nous avons toutes et tous le droit de disposer des moyens qui nous permettent d’exercer notre métier ou de faire nos études dans des conditions décentes et plaisantes.

C’est la condition sine qua non d’un vivre ensemble soutenable. Mais plus encore, nous ne vivrons bien ensemble que si nous avons des espaces pour respirer (ce qui présuppose de desserrer l’étau de la complexité) et que si nous retrouvons une immédiateté dans notre quotidien. Un système plus déconcentré devrait permettre de revoir les circuits administratifs, de les raccourcir, de redonner de la proximité entre les différents interlocuteurs, de remettre un visage derrière une adresse e-mail.

Il n’y a qu’ainsi, en mettant en synergie tous ces changements, que nous pourrons rendre à chacune et chacun un droit qui fait trop souvent défaut dans notre quotidien : le droit à la respiration.

Mathieu Schneider

7 octobre 2024

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1. Dispositif réglementaire lié au plan « Bienvenue en France », qui prévoit qu’un étudiant de master non issu de l’UE paie 3700€ de frais (au lieu de 250€ environ pour les étudiants français et de l’UE).

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